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À PROPOS

2012 a été une grande année électorale : Russes, Français, Grecs, Égyptiens, Indiens, Birmans, Mexicains, Américains ont élu leurs dirigeants. La web-série documentaire L’Autre Élection vous immerge dans une toute autre élection s’étant déroulée cette année aussi : au bout du monde en Papouasie Nouvelle Guinée, une des nations les plus corrompues au monde.

Alors que les ressources naturelles sont nombreuses et exploitées en masse, une majeure partie de la population vit sans ressource et attend toujours un développement, promis à chaque élection depuis l’indépendance du pays en 1975. Les politiciens élus eux, vivent très confortablement. Du coup, ils font de nombreux envieux et chaque élection devient un panier de crabe, un vrai western. On se tire la bourre, on s’accuse de tous les dysfonctionnements, et on cherche avec ardeur le plus court chemin vers le pouvoir.

C’est en 2007 que je suis allé en Papouasie Nouvelle Guinée pour la première fois. Je voulais voir de mes propres yeux cette situation qu’on m’avait dépeinte, mais que j’avais du mal à imaginer. Comme je voulais approcher l’exercice du pouvoir politique, je m’y rendais pour l’élection générale, au printemps 2007. Au même moment, la course pour la présidence française était lancée.

D’une part, je suivais donc à distance le récit hexagonal des meeting géants et des petites phrases. D’autre part, je filmais les discours de candidats dans des villages sans électricité. Malgré le contraste dans l’ampleur des dispositifs, je constatais des similitudes dans ces deux campagnes aux antipodes l’une de l’autre. Certaines techniques de storytelling, une forme de clientélisme, le populisme comme stratégie électorale étaient aussi bien d’usage en Papouasie qu’en France. Le financement des campagnes me paraissait tout aussi opaque. Et dans ces deux démocraties, les personnalités des candidats importaient souvent plus que leurs propositions politiques.

Moi aussi, j’été impressionné par ces personnages-candidats que j’ai côtoyés. Chacun d’eux jouait un rôle dans une histoire que je découvrais tantôt comme une comédie, tantôt comme une tragédie.

Une comédie car, bonhommes, certains des candidats que j’interviewais pendant des heures, me livraient une vision crapuleuse et hilare de leur fonction, justifiant la corruption d’un « la politique est un jeu salissant » ou « les électeurs ne connaissent pas mieux de toute façon ». Ils s’arrangeaient si grossièrement avec leur morale qu’ils en devenaient risibles.

Une tragédie car j’étais désemparé par le destin des habitants de Nouvelle-Irlande. Alors que cette minuscule province abrite une des plus grandes mines d’or au monde, accueille des grandes entreprises y exploitant bois, pétrole ou huile de palme, eux ne goûtent à aucun des fruits du développement. On les oublie dans leurs villages reculés, isolés par manque de routes praticables, malades par manque de médicaments et dépossédés de leurs terres par ignorance de leurs droits. Il devenait triste de voir comment, invisibles pendant cinq ans, les candidats ne se rappelaient à leurs électeurs qu’à l’approche du scrutin.

Corruption contre programmes politiques, tradition contre modernité, savoir contre ignorance, je me trouvais donc au milieu d’une bataille morale où était en jeu une réponse aux besoins les plus élémentaires. Jeune citoyen que j’étais, je redécouvrais en même temps que les Néo-irlandais les promesses et dangers de la représentation démocratique.

Par habitude peut-être perdons-nous parfois de vue, nous autres électeurs historiques, que la démocratie est une lutte, que son exercice comporte des dangers et que la transparence est la première des exigences vis-à-vis de nos dirigeants. À mes yeux, cette élection avait rendu son pouvoir subversif à ce concept vague et consensuel qu’est la démocratie.

Cette année pour ces raisons, nous avons voulu faire exister cette élection du bout du monde ici, dans nos médias français. C’est évidemment un pari un peu fou, mais mon équipe et moi sommes fiers de l’avoir tenu.

Igal Kohen et l’équipe de production de L’Autre Élection.